Numéro 3 de la collection de l'Orpailleuse, avec Jean-François Neplaz, cinéaste non aligné.
Fin 2010, des acteurs culturels, des artistes et des militants du droit à la ville, notamment de l’association Un Centre-Ville Pour Tous, ont ouvert un groupe de travail sur le principe des universités populaires, pour réfléchir aux impacts urbains de Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture, et aux conditions de sa réalisation.
Le groupe Pensons Le Matin se réunit toujours une fois par mois, le samedi matin, à La Friche Belle de Mai. Des chercheurs, des artistes, des urbanistes d’ici et d’ailleurs y sont régulièrement invités à partager leurs analyses et leurs expériences.
Ce samedi de mai 2011, c’est Ulrich Fuchs, directeur-adjoint de Marseille-Provence 2013, qui présente un exposé sur Linz, capitale européenne de la culture 2009, dont il était également directeur-adjoint. Si les échanges sont toujours cordiaux et parfois vifs, l’exposé provoque cette fois la colère de Jean-François Neplaz, cinéaste, et en réaction à celle-ci, celle d’un membre fondateur du groupe, Boris Grésillon, géographe. N’ayant pu conduire sa critique à terme, Jean-François Neplaz écrit ce texte dans les semaines suivantes.
Ce flamboyant, sensé et insensé opus, comme l’écrit Patrick Lacoste, l’un des fondateurs du groupe, fut ensuite débattu et passé à l’actif de ses travaux. S’il se trouve aisément sur internet, il ne nous a pas semblé insensé de le publier dans une version enrichie en ce début d’année 2016.
> Jean-François Neplaz est cinéaste, diplômé de l’Institut des Hautes études Cinématographiques (IDHEC, devenue la FEMIS) en 1979. En 1996, il participe à la création du collectif Film flamme et ouvre en 2001 le Polygone étoilé, maison de cinéma à la Joliette, Marseille. Il a accompagné la production ou la restauration de nombreux films et réalisé dernièrement "1999 ou La belle humeur" avec le philosophe Jean-Paul Curnier, "Pour autant qu’un musée…" pour le Mucem, "De loin en loin" et "Si elle “tomber”… en 2013, "Alpini" et "L’autre matin, en attendant Mario Rigoni Stern", autour de l’immense écrivain italien. A lire également les livres de notre collection Cinéma hors capital(e), dans lesquels il intervient régulièrement.
Artistes sous l'uniforme 128 pages, format 10x15, 1 couleur. Prix : 7,50 € / ISSN 2491-7230 ISBN 979-10-91248-11-2
Pour le trouver en librairie ou le commander, c'est ici !
Lisez la critique d'Artistes sous l'uniforme, par Jean-Paul Curnier, que nous avons eu le désir de vous offrir, comme un salut à l'ami…
Message du 08/09/11 17:56
Objet : texte et uniformes
Cher Jean-François,
J'ai lu ton texte hier soir et jusque dans la nuit commencée et j'y réponds vite, même si trop brièvement, pour éviter de laisser traîner les pensées La période est pour moi assez méchamment tourmentée du côté des survivances, et j'ai peu l'esprit disponible, souvent fatigué d'avoir à penser sans beaucoup de succès l'imbécile recherche d'un peu d'argent et celle d'un peu de tranquillité. Vite, donc. Cela s'impose. Ton texte ressemble de plus en plus à l'écriture de Neplaz à celle que promettait tes débuts et que tes interventions orales laissaient espérer.
Je veux dire ton écriture, en se forgeant s'étoffe, prend son rythme propre, son étendue et ne s'est heureusement pas systématisée, elle a renforcé la direction qui convient le mieux pour ce qu'elle cherche, la référence, le jeu avec les autres, avec l'écrit. En cela la comparaison que j'ai toujours soutenue de toi et Pasolini se justifie plus que jamais. De cette comparaison, je dis et répète parlant de l'un ou de l'autre : il faut le courage de laisser se faire la pensée, de la dire intempestivement comme quelque chose qui advient à partir des éléments de sens qui se montrent et non comme une "opinion" (cette chose molle, sans substance ni lieu de naissance et indigne) d'en laisser libre le parcours et de retirer son ego de cette affaire pour que l'on puisse entendre ce que l'autocensure (par pudeur, crainte ou coquetterie) rabote avant la mise en phrases. Je dis que ce genre de formation de discours permet d'entendre des choses qu'on n'entendrait pas autrement, de former des possibilités et des directions de pensée impossibles sans cela.
Je maintiens, s'agissant de moi aussi dans l'affaire, que la pensée est un art et que s'il a fallu 50 ans de collage cinématographique godardien pour que 200 personnes en profitent, combien faudra-t-il d'années de collages de pensée par collage pour qu'on sache ce que l'on peut devoir à cette façon de faire ?
Le texte : Chose renversante : le texte de Benjamin (concernant Kracauer) que tu mets en conclusion est bel et bien l'exacte description de ce que tu fais dans le discours et de la place que tu dessine dans les débats.
Magnifique (et c'est pourquoi je n'en rajoute pas).
Pour le reste c'est comme j'ai dit, certaines choses de ta façon d'écrire surgissent avec une pertinence inattendue (la question de la plaque commémorative, démonstration en ligne courbe et oscillante que j'applaudis des deux mains – celle du regard d'Hitler dans la mire du pont et d'autres mais non relevées au passage) et puis il y a quelques petites maladresses quand tu parles de toi, parce que la pudeur et ta révolte contre elle te font légèrement changer de ton, mais cela n'a pas une grande importance.
C'est un peu bref et je te prie de m'en excuser. Pour ce qui concerne le MP13, je n'arrive pas à considérer tout ça autrement que comme une bonne ration de fromage pour quelques-uns. Tout le reste de ce que je peux penser à cet égard, me connaissant comme tu me connais, tu peux le deviner.
Je t'embrasse très fort
Jean-Paul